Transmission des accès aux plateformes numériques, financement des obsèques par crowdfunding, comparateurs en ligne des pompes funèbres, souvenir du défunt dans un parfum, marketing « funèbre », ubérisation des services funéraires… alors qu’elle semblait figée aux années 1980, la « filière » de la mort se voit dépoussiérée par ces startups qui réinventent les obsèques. Après avoir changé la perception du post-mortem outre-Atlantique, les jeunes pousses du business de la mort investissent le Vieux Continent… pour le meilleur et pour le pire.
Un marché qui semblait bloqué dans les années 1980
Le business de la mort est bien vivant ! Forcément, et comme pour l’agroalimentaire ou les soins de santé, la « clientèle » est toujours là, et pour cause. Si les industriels du mobilier pour bébés peuvent se faire du souci avec la chute drastique des natalités en Europe et dans le monde occidental, les pros de la mort constatent un vieillissement constant, voire exponentiel dans certains pays (dont la France et l’Allemagne), garantissant des « débouchés » assurés à leurs business de pompes de funèbres, de marbrerie, de fleuriste, etc.
Chaque année, l’Europe des 28 connait plus de 5 millions de décès, toutes causes confondues. Logiquement, c’est l’Allemagne, de loin le pays le plus peuplé de l’UE, qui connait le plus de décès (920 000), suivi par l’Italie (615 261), le Royaume-Uni (597 208) et la France (587 136). C’est donc tout logiquement que les jeunes pousses de la filière s’installent dans ce quatuor de tête.
Le marché est en pleine mutation. Pour des raisons évidentes de conservatisme, la transformation numérique et post-numérique du business de la mort semble avoir été retardée de près de deux décennies. Les mœurs s’assouplissent et la perception de la mort s’éloigne progressivement du rituel, du religieux et du solennel pour embrasser une certaine flexibilité dans le cérémoniel post-mortem. Pour tirer leur épingle du jeu d’un marché qui est longtemps resté l’apanage des pompes funèbres un peu vieux jeu, les startups de la filière redoublent d’ingéniosité, pour le meilleur mais aussi pour le pire. Exit les biens et services traditionnels comme la vente de cercueils, l’impression classique, in situ, des cartes de remerciement décès ou encore les services de marbrerie. Tout se passe désormais sur le web… ou presque.
L’innovation dans la mort, pour le meilleur et pour le pire
Certains nouveaux services semblent remporter la faveur des ménages, comme le financement des obsèques des plus défavorisés par crowdfunding ou encore les comparateurs des pompes funèbres pour optimiser son budget et s’épargner la délicate étape de négociation dans des circonstances particulièrement douloureuses. Certains outils permettent même une assistance gratuite en période de deuil, avec une hotline, une assistance administrative, un comparateur de prix et de services et bien sûr une mise en relation avec des agences de pompes funèbres partout en Europe… en échange de la collecte de vos informations personnelles, cela va de soi.
D’autres « idées » font cependant grincer des dents en Europe… même si elles suscitent un certain engouement du côté des Etats-Unis. On voit par exemple fleurir depuis deux ans un service quelque peu déconcertant : il s’agit d’un service de mise en ligne, en toute confidentialité, d’un message vidéo que le prestataire s’engage à ne diffuser qu’après la mort de celui qui l’a réalisé. Le fichier vidéo est crypté puis stocké sur un site web dans un espace cloud dédié à la personne. Cette dernière peut d’ailleurs compléter cette apparition post-mortem par des textes, des photos, de la musique, etc. En Europe, c’est le français Movieternity qui accapare ce segment.
Toujours dans au rayon des innovations surprenantes, certains sites web proposent aux personnes endeuillées de décorer la tombe virtuelle du défunt avec des images, des fleurs, des bougies et des messages (virtuels), voire de construire un mausolée virtuel et se recueillir derrière son écran. L’idée est pour l’heure surtout destinée aux fans de certaines célébrités décédées (comme Michael Jackson, Prince, David Bowie ou encore Johnny Hallyday).
Les acteurs traditionnels accompagnent le mouvement
Il y a un peu moins de 30 ans, les demandes de crémation représentaient à peine 1 % du total des décès en France. Il n’y avait d’ailleurs que 9 crématoriums dans l’Hexagone au milieu des années 1980. Aujourd’hui, ce chiffre approche du tiers. A ce rythme, les crémations concerneront la moitié des décès en 2030… de quoi bouleverser la demande sur un marché qui semble sortir de sa torpeur, à la faveur de la régression de la part des Français pratiquants, et de leur volonté d’aller au moins cher dans un contexte social plutôt compliqué.
Les acteurs traditionnels activent plusieurs leviers pour se refaire une santé. Certaines entreprises surfent sur la tendance écologique en proposant des cercueils fabriqués à base de matériaux 100 % recyclables et en communiquant sur leur financement de projet de reforestation. D’autres misent sur l’égalité homme-femme en recrutant des conseillères funéraires. La filière a d’ailleurs tendance à se féminiser, en dehors des postes de chauffeurs, marbriers ou encore porteurs de cercueil. Pour certains, les conseillères, les assistantes et les directrices intègrent plus facilement la dimension humaine de cette profession qui exige un certain tact et beaucoup de délicatesse.
Il y a une petite décennie, les femmes représentaient moins de 8 % des thanatopracteurs. Ces professionnels interviennent sur le corps des défunts en leur apportant des soins esthétiques pour les rendre plus présentables, à la demande de la famille. Aujourd’hui, cette proportion a bondi de plus de 300 %, caracolant désormais à 27 %. En France, un décès sur quatre donne lieu à l’intervention de ce technicien, notamment lorsque la cérémonie prévoit l’ouverture du cercueil pour un dernier hommage au défunt.