La Commission européenne est sans doute l’une des plus prestigieuses mais aussi des plus controversées des institutions européennes. Siégeant à Bruxelles, ce puissant organe de l’Union Européenne dispose d’un droit contraignant sur les États membres, puisqu’il se réserve le pouvoir d’imposer ses décisions aux gouvernements nationaux. La Commission européenne a été créée par le traité de Rome, en 1957. Composée de bureaucrates triés sur le volet dans chacun des pays membres, la Commission européenne dispose de pouvoirs législatifs et exécutifs. Si elle a longtemps représenté l’espoir des Europhiles de voir naître une Europe politiquement intégrée, cette institution européenne phare est aujourd’hui la cible des critiques des souverainistes qui lui reproche de court-circuiter les gouvernements démocratiquement élus.
L’effectif et la structure hiérarchique de la Commission Européenne
La Commission Européenne est composée de plus de 32 400 professionnels du droit, de l’économie, de la finance, de la gestion, de la statistique, de l’écologie, etc. Cet effectif a parfois été jugé exagéré par certains Eurosceptiques, mais également par certains dirigeants européens qui reprochent à l’Union Européenne de ne pas appliquer les politiques d’austérité qu’elle a pu conseiller à des États en difficulté. D’autres dirigeants prônent au contraire la consolidation et même le renforcement des effectifs de la Commission Européenne, dans la mesure où elle « travaille » pour le compte de quelque 320 millions d’habitants européens. A titre d’exemple, la fonction publique en France accueille plus de 5,5 millions de personnes.
Le président de la Commission Européenne
Le président de la Commission européenne occupe une position de force, car il peut influencer l’orientation politique de la Commission Européenne. Au début des années 1990, le président de la Commission était Jacques Delors, et son influence sur la Commission était telle que le plan de développement de cette institution européenne a été intitulé le « Plan Delors »… une appellation qui survécu à cette célèbre figure de l’européisme qui a quitté ses fonctions en 1995.
Les 28 commissaires de la Commission Européenne
La structure hiérarchique de la Commission Européenne est complétée par 28 commissaires qui détiennent un mandat spécifique dans leur domaine d’expertise, des transports à l’économie en passant par l’écologie, les technologies de la communication ou encore la finance. Eux aussi ont la possibilité de façonner la politique générale de l’UE, surtout si leurs idées forment un continuum avec ceux de la présidence. Les commissaires sont nommés pour un mandat de cinq ans qui peut être prolongé. Ils sont nommés par les États membres de l’Union Européenne. Les pays européens dits « majeurs » en nomment deux chacun, tandis que les autres n’en nomment qu’un seul. Les commissaires présentent des propositions au Conseil des ministres qui se charge alors de les adopter ou pas.
Les cabinets de la Commission Européenne
Chaque commissaire est assisté d’un cabinet de travail qui joue le rôle d’un organisme consultatif. Lorsque le Conseil des ministres entérine des propositions législatives issues des commissaires, il incombe par la suite aux différents cabinets concernés d’en superviser l’application.
La Commission Européenne : l’éternel « problème démocratique »
La Commission Européenne a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment car il s’agit d’un organe puissant qui n’est pas élu au suffrage universel. Les électeurs de l’Union européenne n’ont pas leur mot à dire sur la composition de cette institution européenne qui dispose pourtant d’un pouvoir conséquent sur les gouvernements en exercice. Il peut arriver qu’elle impose à un gouvernement des politiques qui ne correspondent pas forcément à son programme. L’exemple le plus concret de cette situation pour le moins inconfortable nous vient du Royaume-Uni, aujourd’hui sur le point de quitter l’Union. Ainsi, le 1er janvier 2002, la Commission Européenne par le biais du cabinet spécialisé dans l’écologie, a adopté une loi qui stipule que les magasins d’électroménager et les grandes surfaces ne peuvent plus jeter les vieux réfrigérateurs en raison de l’impact de ces déchets sur l’environnement, leur imposant une procédure lourde et coûteuse pour les éliminer. Le Royaume-Uni n’a eu de choix que d’accepter la décision de la Commission Européenne, se contentant de stocker ses vieux réfrigérateurs pendant plusieurs années en attendant que le pays se dote des infrastructures nécessaires à cette opération. Dans un autre sens, l’expérience nous montre que si la Commission Européenne dispose d’un pouvoir juridique contraignant sur les États membres de l’UE, elle n’a pas les moyens de sanctionner les contrevenants, si ce n’est pas une amende infligée par la Cour européenne.
La plus grande crise à laquelle la Commission Européenne a été confrontée remonte à 1999, lorsque les 20 commissaires (à l’époque) ont tous démissionné en raison d’un scandale impliquant quatre d’entre eux. En mars 1999, un rapport indépendant du Parlement européen affirmait qu’aucun des commissaires « n’avait le moindre sens des responsabilités », citant des cas de flagrant délit de corruption. Le Parlement n’a pas été autorisé à licencier des commissaires, mais des pressions ont été faites en ce sens. Le président, Jacques Santer, fragilisé par ce scandale, a été remplacé dans la foulée par l’Italien Romano Prodi.
La Commission Européenne en quelques chiffres
La première Commission a vu le jour en 1951 en tant que « Haute Autorité » avec neuf membres sous la présidence du Français Jean Monnet. La Haute Autorité était l’organe exécutif administratif supranational de la nouvelle Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), consécration du traité de Paris. Elle a commencé à assurer ses fonctions le 10 août 1952 dans la ville de Luxembourg. En 1958, les deux traités de Rome avaient créé deux nouvelles communautés aux côtés de la « CECA » : la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). La raison de ce changement de nom était la nouvelle relation entre les membres exécutifs et le Conseil. Certains États membres, comme la France, ont exprimé des réserves sur le pouvoir de la Haute Autorité, et ont souhaité le limiter en donnant plus de pouvoir au Conseil qu’aux nouveaux organes exécutifs.
La Commission européenne compte donc 28 commissaires et dispose de 139 bureaux de représentation en dehors du territoire des États membres de l’Union Européenne. L’effectif total de cette institution européenne est d’environ 32 400 personnes. Son budget annuel est d’environ 3,6 milliards d’euros (chiffres du dernier rapport publié en 2019), sachant que le budget annuel de l’Union Européenne est de 165,8 milliards d’euros. Environ 2,16 % du budget annuel sont affectés aux dépenses administratives de la Commission européenne, tandis que 3,6 % sont alloués aux budgets administratifs des autres institutions européennes, mais aussi aux écoles européennes. C’est à la Commission Européenne qu’incombe la responsabilité finale de l’exécution du budget de l’UE. Dans la pratique, cependant, près de 80 % du budget est dépensé en « gestion partagée », les autorités des États membres répartissant les fonds et gérant les dépenses. Le reste du budget est couvert par la « gestion directe » par la Commission Européenne et ses agences exécutives.
Quelles sont les limites de la Commission Européenne ?
La Commission est chargée de proposer une nouvelle législation, mais elle ne peut pas adopter ces lois seule. L’approbation est du ressort des députés européens élus du Parlement et des représentants des gouvernements des États membres qui composent le Conseil de l’Union Européenne. Pour qu’une loi soit adoptée, il faut aboutir à une majorité dans les deux institutions. Et si la Commission Européenne est responsable du respect du droit communautaire dans les États membres, elle dépend de l’administration et des agences publiques ainsi que des tribunaux nationaux dans les États membres pour faire respecter ce droit. Cette prérogative relève également, en dernier ressort, de la compétence de la Cour européenne, qui contrôle également le respect du droit par la Commission Européenne elle-même.
La Commission représente le bloc européen et négocie en son nom les accords commerciaux internationaux, mais les États membres valident ou refusent, individuellement, chaque accord proposé. En matière de responsabilité, la plus haute autorité de l’UE est le Conseil européen et la Commission est responsable devant lui et devant le Parlement, puisqu’elle nomme les commissaires et élit le président. Le Parlement peut également révoquer la Commission. Aucune des huit motions de censure présentées jusqu’à présent n’a été adoptée. La Commission soumet régulièrement des rapports au Parlement, avec notamment un rapport budgétaire annuel. Elle est par ailleurs tenue de répondre à toutes les questions des députés. Les comptes de l’Union Européenne sont également transmis chaque année à la Cour des comptes européenne, qui produit un rapport annuel pour examen par le Parlement afin qu’il approuve ou désapprouve la gestion du budget par la Commission dans l’année écoulée. Les salaires, avantages et conditions de travail du personnel de la Commission sont fixés par le Conseil de l’UE et le Parlement.
Ursula von der Leyen : première présidente de la Commission Européenne
Ursula Von Der Leyen, ministre sortante de la Défense dans le gouvernement Merkel, a été élue de justesse à la présidence de la Commission européenne pendant l’été 2019. Cette femme politique de 60 ans a été nommée par les dirigeants des 28 États membres du bloc pour devenir la première femme à occuper le poste de direction de Bruxelles. Le Parlement de Strasbourg aurait préféré un candidat choisi par l’un de ses groupes politiques, mais en fin de compte, une petite majorité (à peine 383 membres sur les 751 membres de l’assemblée) a voté pour elle. Elle remplacera donc Jean-Claude Juncker à la tête de l’exécutif de l’UE le 1er novembre 2019, un jour après le départ de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, pour un mandat de cinq ans.
Si Von Der Leyen avait perdu, Bruxelles aurait dû faire face à un été de luttes intestines dans un contexte où les modalités du Brexit continuent de faire jaser, où l’Italie menace de revoir sa dette à la baisse et où la Hongrie et la Pologne critiquent vigoureusement le fonctionnement de la Commission Européenne et de l’UE, plus largement. Lors d’une conférence de presse après le vote, Mme. Von Der Leyen a minimisé l’étroitesse de sa victoire, notant qu’une majorité restait une majorité, quelle qu’en soit la teneur. La ministre expérimentée a donc quitté le gouvernement allemand et les forces armées du pays pour s’installer à son bureau à Bruxelles. A Berlin, la chancelière Angela Merkel a fait l’éloge de son alliée de longue date, la qualifiant d’Européenne engagée et convaincue qui relèverait avec beaucoup de vigueur les défis auxquels l’Europe est confrontée. Le président du Conseil européen des dirigeants de l’UE, Donald Tusk, a également félicité Von Der Leyen, après avoir déclaré précédemment qu’elle serait une combattante passionnée pour défendre les intérêts de l’unité européenne.
La crise des migrants : plus grand défi actuel de la Commission Européenne
La Commission européenne a multiplié les déclarations en 2019 pour déclarer « la fin de la crise migratoire », épinglant à plusieurs reprises les « fake news » et les élans de désinformation. C’est d’ailleurs la Commission européenne qui a proposé aux gouvernements européens de créer un arsenal juridique pratique pour contrer les fausses informations qui circulent, notamment sur les réseaux sociaux. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, a déclaré que la crise migratoire de 2015 était derrière l’Union Européenne, et que seuls quelques problèmes structurels persistaient. Rappelons qu’en 2018, 116 700 migrants ont été recensés par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, dans la Méditerranée, soit une réduction de plus de 89% sur les chiffres enregistrés en 2015 et qui avaient dépassé toutes les prévisions. C’est sur cette tendance positive pour l’UE que la Commission Européenne compte capitaliser. Cette dernière suggère d’ailleurs une approche plus stricte des relations publiques pour s’attaquer aux « mythes » et aux « contre-vérités ».
Mais pour beaucoup, l’UE n’a fait qu’exporter sa crise des réfugiés aux pays de l’Afrique du Nord, notamment le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye, compte tenu de la proximité géographiques de ces pays avec les pays de l’Europe du Sud, moyennant des aides financières conséquentes et d’autres concessions pour muscler la surveillance des côtes.