Plus haute des 7 institutions européennes, le Conseil européen est le principal organe stratégique et de résolution des crises de l’UE. Il est constitué des 28 présidents et premiers ministres des États membres (27 après le Brexit) et du président de la Commission européenne. À la tête de l’institution se trouve le président du Conseil européen qui fixe l’ordre du jour et les grandes orientations stratégiques en concertation avec les membres. Le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la sécurité fait régulièrement partie des sommets du Conseil européen, notamment lorsque les thèmes abordés sont liés à la cohérence de la politique étrangère de l’UE. Le président de la Banque centrale européenne est également un invité régulier des réunions du conseil, toujours en fonction de l’ordre du jour. Enfin, le Président du Parlement européen assiste au début de chaque réunion et expose la vision de son institution en fonction des sujets.
Bref aperçu historique du Conseil européen
Les origines du Conseil européen remontent aux sommets informels organisés dans les années 1960. Ces rencontres étaient régulièrement convoquées par les dirigeants des États fondateurs de la CECA pour discuter de questions d’intérêt commun et des grands objectifs d’intégration politique et monétaire. Bien qu’ils aient pris des décisions qui concernent directement la Communauté européenne, ils ont tenu à ce que leurs délibérations se déroulent en dehors de tout cadre officiel, dans la tradition des grands sommets du siècle dernier, où les affinités personnelles entre les leaders politiques prenaient parfois le dessus et permettaient même de dépasser les points de blocage. Ce sommet périodique des chefs d’États européens a été officialisé au milieu des années 1970, par la création du Conseil européen. Ils ont convenu de se réunir au moins deux fois par an pour discuter des affaires courantes mais aussi et surtout pour poursuivre les grands objectifs de leur union. Le Conseil européen n’a commencé à être mentionné dans les traités qu’à partir de l’Acte unique européen (AUE) de 1987, et son rôle n’a été défini avec précision qu’avec le traité sur l’Union européenne (ou Traité de Maastricht) de 1991. Plus curieux encore : le Conseil européen n’est devenu une institution européenne officielle qu’avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne signé en 2009, soit plus d’une quarantaine d’années après les premiers sommets informels.
Qu’est-ce que le Conseil européen ?
Le Conseil européen est l’autorité politique suprême de l’Union européenne. C’est aussi, officieusement, le principal organe de résolution des crises, dans la mesure où il rassemble les chefs d’État et les premiers ministres qui disposent d’un plus grand pouvoir de prise de décision. Le Conseil européen fixe l’agenda politique de l’Union Européenne et de ses institutions et traite les questions les plus sensibles auxquelles l’Union est confrontée. Ses réunions sont fortement médiatisées, non seulement pour les décisions qui peuvent en résulter, mais aussi pour le côté « réunion de famille » où les amitiés et les inimitiés entre les uns et les autres sont relatés ou extrapolés par la presse. Les réunions du Conseil européen sont donc les principaux « événements » pendant lesquels les premiers ministres et les présidents prennent les décisions qui deviennent des jalons de l’histoire de l’UE.
Quelles sont les missions du Conseil européen ?
Le Conseil européen dirige l’UE et, en vertu du traité de Lisbonne, lui donne « l’impulsion nécessaire à son développement ». Il détermine ainsi l’orientation politique générale de l’UE et fixe ses priorités sur le long terme. Il s’occupe donc de la gestion des crises et de la résolution des problèmes en négociant des accords lorsque les représentants nationaux ne sont pas en mesure de résoudre les différends à un échelon inférieur. On lui attribue également des responsabilités spécifiques dans des domaines politiques clés, notamment la coordination économique et fiscale, la liberté, la sécurité et la justice. Il dispose également du pouvoir de nomination du Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, du Président de la Banque centrale européenne ainsi que de son propre Président. Il est également en mesure de proposer un candidat à la présidence de la Commission européenne au Parlement européen.
D’un autre côté, et malgré son ancienneté, le Conseil européen n’a aucun pouvoir législatif formel. Il se contente donc d’exposer les résultats de ses délibérations dans des « Conclusions » adoptées formellement à l’issue de ses réunions. Celles-ci doivent être approuvées par tous les participants. Dans ces textes, le Conseil européen identifie les questions spécifiques à traiter et esquisse les actions particulières à entreprendre ou les objectifs à atteindre. Il peut également fixer des délais, généralement non contraignants. C’est ainsi que le Conseil européen façonne l’agenda politique de l’UE dans la pratique. Plus récemment, le Conseil européen a cherché à définir des objectifs à plus long terme pour l’UE. En juin 2014 par exemple, il a adopté un « agenda stratégique » qui définit cinq domaines d’action prioritaires pour l’Union européenne. Il s’agit de :
- l’emploi, de la croissance et de la compétitivité ;
- l’autonomisation et de la protection des citoyens ;
- les politiques énergétiques et climatiques,
- la liberté,
- la justice.
A ces sujets prioritaires s’ajoute une thématique de fond qui perdure : l’UE et sa place en tant qu’acteur politique mondial.
Qui est le président du Conseil européen ?
Le président du Conseil européen est avant tout un diplomate qui a un sens aigu du compromis. Conformément à l’article 15 du traité sur l’Union européenne (TUE), le président du Conseil européen est chargé de présider et de faciliter les travaux de l’organe composé des chefs d’État et de gouvernement des États membres. Le Président représente également l’UE à l’extérieur, mais sans « empiéter » dans les responsabilités du Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Le rôle du président est resté officieux entre 1975 et 2009, et a été assumé par le dirigeant de l’État membre qui assurait la présidence du Conseil de l’UE. Toutefois, le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, a introduit un poste permanent pour remplacer la présidence tournante. Aujourd’hui, le président est choisi par le Conseil européen à la majorité qualifiée pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une seule fois. En tant que tel, le Président n’est plus « un premier parmi ses pairs », mais il s’efforce véritablement de construire des compromis entre les dirigeants nationaux.
Le 2 juillet 2019, dans le cadre de l’accord global sur les « hauts postes de l’UE », c’est le Belge Charles Michel qui a été choisi pour occuper le poste de président du Conseil européen en remplacement du Polonais Donald Tusk. Fils d’un ancien ministre des Affaires étrangères et commissaire européen, Charles Michel s’est engagé dans le parti de son père, le Mouvement Réformateur (MR), à 16 ans. Après avoir été élu conseiller provincial à l’âge de 18 ans, il est entré à la Chambre des représentants à l’âge de 23 ans. A 24 ans, il est nommé ministre de l’Intérieur du gouvernement wallon et, en 2007, ministre de la Coopération au développement du gouvernement fédéral belge. Après les multiples échecs électoraux de son prédécesseur Didier Reynders, il prend la présidence du Mouvement Réformateur en 2011 et détrône la majorité socialiste en Wallonie en 2012.
En 2014, il est devenu le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Belgique à 38 ans et le deuxième Wallon libéral à diriger le pays. Six mois après les élections fédérales, il a réussi à former un gouvernement basé sur un accord de coalition incluant le parti nationaliste flamand N-VA, surnommé « coalition kamikaze » en Belgique. Même si peu de gens prédisaient que la coalition durerait, elle s’est maintenue pendant plus de quatre ans, s’effondrant en décembre 2018 en raison de désaccords concernant le Pacte mondial des Nations Unies sur la migration. Après le Belge Herman van Rompuy, Président du Conseil européen de 2009 à 2014, et le Polonais Donald Tusk, Charles Michel se penchera immédiatement sur les grandes questions qui touchent le cœur de l’UE comme le Brexit, le prochain budget de l’UE pour la période 2021 – 2027 et la lutte contre le changement climatique. Il devra certainement chercher des compromis impossibles, car les négociations précédentes ont montré l’ampleur des fractures nord-sud et est-ouest, notamment sur les questions du budget et de l’accueil des demandeurs d’asile.
En tant que Premier ministre belge, Charles Michel a mené des politiques libérales avec par exemple la privatisation des services publics, la réduction des dépenses publiques, la réforme des retraites et la déréglementation du marché du travail. Libéral pro-européen, il est proche du président français Emmanuel Macron qui représente, avec le premier ministre néerlandais Mark Rutte et le leader luxembourgeois Xavier Bettel, une nouvelle génération d’Europhiles convaincus. La nomination de Charles Michel illustre l’influence croissante des libéraux qui ont été renforcés par les élections européennes de 2019 où ils sont passés de 68 à 108 sièges au Parlement européen.
La différence entre le Conseil de l’Europe et le Conseil européen
Attention : le Conseil européen ne doit pas être confondu avec d’autres institutions qui portent des appellations similaires.
- le Conseil de l’Union européenne est autre institution de l’UE qui est souvent désignée sous les noms de « Conseil » ou de « Conseil des ministres ». Cet organe réunit les ministres et les fonctionnaires des États membres. C’est le législateur de l’UE, au même titre que le Parlement européen ;
- le Conseil de l’Europe est organe totalement indépendant de l’UE. Fondé en 1949 par le Traité de Londres, il vise à promouvoir les droits de l’Homme, la démocratie et l’Etat de droit ;
- Le Conseil européen n’a pas d’équivalent au niveau national. Certains commentateurs y voient la présidence collective de l’UE, puisqu’il fusionne le pouvoir exécutif des chefs d’État et de gouvernement de l’UE.
Quelques réalisations du Conseil européen
Les décisions du Conseil européen ont souvent constitué des étapes importantes dans l’histoire de l’Union européenne. Ainsi, c’est lors de la réunion des chefs d’État et de gouvernement que la majorité des décisions de modification des traités a été décidée : l’Acte unique européen ou AUE (Luxembourg 1987), le traité sur l’Union européenne (Maastricht 1992), le traité d’Amsterdam (1997), le traité de Nice (2000) et le traité de Lisbonne (2007). Le Conseil européen est également l’organe qui a impulsé les décisions d’élargissement de l’Union européenne. En 1969, il a accepté d’admettre la première vague de nouveaux membres, à savoir le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni. En 1976, un accord a été conclu pour parapher l’adhésion à la Grèce. Le Portugal et l’Espagne ont également bénéficie de l’aval du Conseil européen en 1981, tout comme l’Allemagne réunifiée en 1990. L’élargissement « big bang » qui a vu treize pays d’Europe centrale, méridionale et du sud-est rejoindre l’UE s’est révélée beaucoup plus complexe. Les décisions ont été prises sur une période de dix ans, commençant et se terminant au Conseil européen de Copenhague en 1993 et 2002.
Les décisions du Conseil européen marquent une étape importante dans le développement de la politique étrangère de l’UE, depuis le lancement de la coopération politique européenne en 1969 à La Haye. Il s’est par exemple illustré par la mise en œuvre et le déploiement de la politique étrangère et de sécurité commune à Maastricht en 1993 et puis renforcement de la coopération en 2003 à Nice. Le Conseil européen a décidé en 1975 de créer le TREVI, une structure ad hoc réunissant les ministères de la Justice et de l’intérieur des Etats membres. Il a également lancé la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures en 1993, avant de créer l’espace de liberté, de sécurité et de justice à Amsterdam. Enfin, le Conseil européen a pris les principales décisions qui ont lancé l’Union économique et monétaire, le Pacte de stabilité et de croissance puis l’adoption de l’Euro.