Les entreprises de pesticides seraient gravement déficientes en matière de droits de l’Homme, selon un expert de l’ONU spécialisé dans les produits toxiques. Deux initiatives visant à restreindre l’utilisation et la vente de pesticides en Suisse seront bientôt à l’ordre du jour du Parlement. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les produits toxiques estime que les fabricants de pesticides et le gouvernement suisse devraient faire davantage pour éliminer progressivement les produits chimiques dangereux.
La prise de conscience de l’opinion publique progresse
Une tempête se prépare dans l’industrie mondiale des pesticides depuis plusieurs mois. Plusieurs règlements de quelques millions de dollars à l’encontre de Monsanto, qui appartient maintenant à Bayer, ont mis les entreprises agro-industrielles dans de beaux draps et ont fait de l’herbicide glyphosate un produit fortement médiatisé. En Suisse, l’opinion publique est également de plus en plus sensibilisée à la présence excessive de pesticides dans les cours d’eau et aux liens potentiels entre les pesticides et certaines retombées sur la biodiversité, qu’il s’agisse de l’effondrement des colonies d’abeilles ou de l’apparition de foyers épidémiques. Le gouvernement suisse a eu une position ambiguë et incohérente sur la réglementation de l’utilisation des pesticides. D’une part, le pays a été critiqué pour sa lenteur dans la mise en œuvre d’un plan d’action de réduction des pesticides adopté en 2017. Cependant, le pays est allé plus loin que ses voisins européens en interdisant 12 substances comme le chlorpyrifos et le clorpyrifos-méthyl.
Les pesticides et leurs nombreuses conséquences sanitaires
Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a examiné l’impact des pesticides sur les droits de l’homme et propose ses réflexions sur ce que les gouvernements et l’industrie devraient faire. Ce qui préoccupe, c’est d’abord l’exposition généralisée des enfants pendant les périodes sensibles du développement. L’autre question sensible concerne la façon dont les produits chimiques sont de plus en plus dangereux à des niveaux d’exposition de plus en plus faibles. Des tendances en matière de santé allant de la baisse du nombre de spermatozoïdes à l’augmentation des taux de cancer du sein sont de plus en plus associées à l’exposition à ces produits chimiques pendant l’enfance. La façon dont de multiples expositions chimiques peuvent se combiner et interagir les unes avec les autres pour avoir un impact sur la santé n’est pas seulement préoccupante… mais aussi et surtout non documentée et peu étudiée. Les quelques évaluations des risques qui ont été effectuées se concentrent sur le risque d’exposition à des substances individuelles et ne tiennent pas compte des droits de l’enfant. Nous découvrons toutes sortes d’effets nuancés de ces produits chimiques sur la santé, ce qui change de plus en plus notre façon de voir les maladies et les handicaps qui se développent plus tard dans la vie. Cette prévalence répandue de l’exposition des enfants est très préoccupante, non seulement sur la base de la science, mais aussi des valeurs, principes et droits de l’enfant qui sont reconnus par près de 200 pays dans le monde.
Y a-t-il une « bonne pratique » à adopter pour utiliser les pesticides ?
Certaines entreprises affirment que les pesticides ne sont dangereux que lorsqu’ils sont mal utilisés. Où la loi devrait-elle tracer la frontière entre les pesticides qui peuvent et ne peuvent pas être utilisés en toute sécurité ? L’Union européenne a déterminé que, pour certains produits chimiques, les niveaux d’exposition ne peuvent pas être évalués avec précision pour certains consommateurs. Nous avons besoin d’une approche qui reconnaisse l’incertitude quant au niveau d’exposition et ses implications. Le concept d’utilisation sûre avancé par l’industrie n’est tout simplement pas applicable pour de nombreux types différents de substances, en particulier dans les pays en développement dont la capacité de surveillance et d’application de la loi concernant leur utilisation est limitée. Cela a conduit à une approche plus prudente en Europe. Des recherches menées en 2018 sur les différences dans la manière dont les États-Unis et l’Europe réglementent les pesticides ont révélé qu’environ 80 pesticides sont interdits en Europe mais restent autorisés aux États-Unis.
Cependant, certains États américains comme la Californie notamment interdisent des pesticides comme le chlorpyrifos, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays d’Europe. À quoi ressemblerait l’approche responsable de la vente de pesticides ? Il y a une grave lacune en ce qui concerne la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme par les fabricants de pesticides et d’autres fabricants de produits chimiques en ce qui concerne ce qui se passe après le point de vente. Par exemple, dans l’industrie du tabac en Afrique, nous constatons que des pesticides très dangereux sont utilisés dans des plantations où nous savons que des enfants sont présents et travaillent. Si les enfants utilisent de tels pesticides, cela constitue l’une des pires formes de travail des enfants.