Varsovie, Prague, Budapest et Tallinn ont empêché l’Union Européenne d’adopter un objectif clair de neutralité climatique à long terme lors du dernier sommet européen.
Vers la suppression de la date butoir de l’objectif « zéro émission »
Les dirigeants d’Europe centrale et orientale n’ont pas pu se rallier à un projet de texte selon lequel l’UE devrait prendre des mesures pour assurer une transition vers une Union climatiquement neutre d’ici 2050. Pour les pays du « non », la date évoquée est trop proche et trop contraignante. La Pologne était en tête de l’opposition, avec le soutien de la République tchèque et de la Hongrie. L’Estonie n’a pas non plus pris d’engagement clair pour la date butoir, selon une source de l’UE qui a requis l’anonymat. Une autre source de l’UE a déclaré que trois États et demi étaient contre, ce qui laisse penser que Tallinn n’a pas une position virulente sur la question. Les négociations seraient toujours en cours, et des garanties seraient en préparation pour lever les dernières craintes des pays en question. Il semblerait toutefois que certains dirigeants de grands pays européens soient sur le point d’abandonner l’engagement de 2050.
Le texte final spécifie maintenant que l’UE aspire à la neutralité climatique conformément à l’accord de Paris, et la mention de l’année 2050 a été déplacée dans une note de bas de page. Pour une grande majorité d’états membres, la neutralité climatique doit être atteinte d’ici 2050, indique cette note temporaire qui sera peut-être amenée à changer d’ici la rentrée. Ironiquement, dans le texte publié sur le site web du Conseil européen, la note de bas de page est absente. La neutralité climatique fait référence à une économie dans laquelle les émissions de gaz à effet de serre causées par l’activité humaine sont pour la plupart évitées et les émissions restantes sont compensées par exemple par la plantation d’arbres supplémentaires ou par la capture et le stockage des émissions. De même, la référence à la neutralité climatique conformément à l’accord de Paris est sujette à interprétation. L’accord mondial sur le climat, conclu en 2015 dans la capitale française, a déclaré que le monde entier devrait atteindre la neutralité climatique dans la seconde moitié de ce siècle, et pas au début de cette seconde moitié. Cependant, l’accord de Paris stipule également que des efforts doivent être faits pour limiter le réchauffement climatique à une augmentation moyenne de la température d’un degré et demi par rapport aux niveaux préindustriels.
Tenir compte des spécificités économiques de chaque pays
L’impossibilité de parvenir à un consensus sur la date fatidique sera une déception pour ceux qui ont vu des signes positifs ces dernières semaines, notamment avec la performance des Verts aux dernières élections européennes. Cet objectif semble avoir pris de l’ampleur récemment après que l’Allemagne, le plus grand État de l’UE, a décidé de le soutenir. Au début du mois, le Royaume-Uni, qui quitte l’UE, s’est engagé à atteindre un objectif national de zéro émission d’ici la fin de la première moitié du siècle. L’Italie, qui compte pourtant un gouvernement populiste, s’est également engagée. Mais lors du sommet de l’UE, il s’est avéré impossible de convaincre le dernier groupe des États sceptiques. Un consensus est nécessaire pour que les dirigeants adoptent des conclusions officielles.
Une source diplomatique a déclaré que la réticence de certains États membres dépendants du charbon était prévisible. Il est plus facile pour les pays scandinaves de s’engager en faveur de la neutralité climatique que pour les pays qui ont fait du charbon un point central de leurs industries. Ce sont des différences connues entre les États membres. La représentation permanente de la Pologne auprès de l’UE a expliqué que le Premier ministre défend les intérêts de son pays dans les discussions sur la politique climatique. Une répartition équitable des coûts de la protection du climat implique la prise en compte des spécificités des États membres. Les objectifs climatiques sont importants au même titre que leur mise en œuvre, en tenant compte des citoyens et de l’économie.
Les ONG tapent du poing sur la table
Une ONG européenne a déclaré que les gouvernements européens ont eu l’occasion de montrer la voie et de mettre l’Europe sur la voie rapide d’une décarbonisation complète… mais ils n’ont pas été à la hauteur de l’histoire. Certaines ONG ont même qualifié les pays européens qui ont posé leur veto de « pays criminels ». La source diplomatique a toutefois souligné que l’UE était toujours ambitieuse et que les dirigeants n’ont jamais dit que l’année butoir allait être fixée sans problème. Pour l’UE, le débat sur le climat n’est pas terminé. Il reviendra certainement avant la fin de l’année sur la table des négociations. Entre-temps, lors du sommet, les dirigeants ont convenu dans le texte de soumettre une stratégie à long terme sur le climat à l’organe compétent de l’ONU dès le début de l’année prochaine. Ils ont également adopté un agenda stratégique qui identifie l’action climatique comme l’une des priorités de l’Union Européenne.
L’Agenda stratégique, qui couvre le prochain quinquennat, indique que les politiques de l’UE doivent être conformes à l’accord de Paris, mais ne prévoit pas non plus d’année spécifique pour la neutralité carbone. Alors que les effets du changement climatique deviennent de plus en plus visibles et omniprésents, l’UE doit de toute urgence intensifier son action pour gérer cette menace existentielle. Elle doit montrer la voie en s’engageant dans une transformation en profondeur de sa propre économie et de sa société pour parvenir à la neutralité climatique.