Dans cette année électorale pour le Parlement européen, les critiques se sont encore une fois élevées face à la prétendue déferlante « néolibérale » de cette institution européenne.
Deux contretemps éloignent l’UE de la tradition démocratique occidentale
Avant les élections, tous les observateurs et militants, quel que soit leur spectre politique, se sont entendus sur le fait qu’il s’agissait des élections les plus importantes de l’histoire de l’Union européenne. D’un côté, le Brexit piétine mais reste inéluctable, de l’autre, les eurosceptiques et autres populistes gagnent du terrain un peu partout sur le continent. Comme l’a récemment déclaré l’ancien ministre grec des finances, le concours pour les sièges du Parlement européen façonnera fondamentalement l’avenir de l’Europe. Mais est-ce vraiment le cas ? De telles déclarations, ou mises en garde, pourraient avoir un sens si l’UE était un État fédéral à part entière doté d’un parlement véritablement souverain. Pourtant, c’est tout le contraire. Le Parlement européen a en effet des pouvoirs très limités :
- Contrairement aux parlements nationaux, il n’a pas le pouvoir d’initiative législative. Il s’agit d’un pouvoir exclusivement réservé à la Commission européenne ;
- La Commission européenne a la mainmise sur le Parlement européen qui ne peut qu’accepter ou refuser les propositions législatives ;
- Ces deux faits éloignent l’UE de la tradition démocratique des pays de l’Occident.
D’un autre côté, la Commission européenne est pour beaucoup « biaisée », dans la mesure où ses membres sont directement nommés par le Conseil Européen. Elle ne tire son « aura » démocratique que du fait que le Conseil européen est composé de présidents, premiers ministres, chefs de gouvernement et chanceliers eux-mêmes démocratiquement élus dans leurs pays respectifs. Un nouveau système a été mis en place il y a 5 ans selon lequel chaque grand groupe politique du Parlement européen désigne, avant les élections européennes, son candidat pour le poste de président de la Commission. L’objectif est de rendre l’élection de la Commission plus démocratique… mais est-ce suffisant ? D’aucuns ont jugé cette mise à jour comme étant essentiellement cosmétique, dans la mesure où les membres de la Commission étaient déjà issus des grands groupes parlementaires européens. Finalement, c’est toujours la Commission et le Conseil qui décident sur pratiquement tous les domaines, sachant que ces deux institutions européennes sont largement dominées par les « grands » pays européens.
La démocratie indirecte de la Commission européenne
Le raisonnement selon lequel la CE serait démocratique parce que nommée par une institution elle-même composée de membres démocratiquement élus dans un scrutin tiers pervertit le concept même de démocratie. Si les dirigeants nationaux sont généralement démocratiquement élus, en tant qu’organe, le Conseil n’est ni élu ni responsable. Bien que les gouvernements européens soient théoriquement responsables devant leurs parlements nationaux et leurs électeurs, le Conseil leur permet d’échapper à cette responsabilité en approuvant des lois sans avoir à se soumettre aux questions parlementaires. De même, lorsque les votes dégagent une majorité, le lien entre les parlements nationaux et les ministres est forcément rompu. Un ministre peut prétendre qu’il a été mis en minorité si une loi à laquelle son parlement national était initialement opposé est finalement adoptée. La structure même de l’UE favorise le pouvoir exécutif et technocratique par rapport au pouvoir législatif. Cela représente un énorme pas en arrière, même par rapport à la conception néolibérale de la démocratie. Les différents traités européens stipulent d’ailleurs que le fonctionnement de l’UE doit être fondé sur la démocratie représentative, ce qui n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.
En résumé, nous pouvons isoler trois principaux points qui plaident en faveur d’une Union européenne en crise démocratique. Premièrement, l’UE est critiquée pour son système institutionnel non représentatif. Deuxièmement, cette critique à l’égard de l’Union européenne pourrait être exagérée, ou bien le caractère démocratique des États-nations devrait également être remis en question. Troisièmement, il est compliqué d’évaluer réellement dans quelle mesure l’Union européenne est démocratique, tant cette notion est subjective, voire mouvante en fonction du contexte social, culturel et historique.